Souviens-toi, maman ...


Lorsque, tout bébé, nous dormions sur ton ventre, la tête contre ton cœur qui ne battait que pour nous et Mike Brant. Chaque soir où je ne pouvais m'endormir que dans ton lit avec les chansons de Khanh Ly.

Lorsque tu venais me chercher à l'école le midi. Je me souviens de tes longs cheveux noirs sentant la pivoine et de nos parapluies à pois. La boulangerie au pied de notre tour et les choux à la crème. La nappe à laquelle j'ai mis le feu dans notre appart à Antony. J'avais 3 ans.

Lorsque nous partions sur les routes pour aller camper à Bormes les Mimosas et au Cap d'Agde. Le pique-nique sur le bord de la route, le thermos de café pour papa, les épis de maïs croquants et sucrés, la musique des années 80 à fond les ballons sur l'autoradio à cassettes, mon surnom "Kiki vomi" parce que j'étais malade en voiture. La traditionnelle carte routière et les demi-tours au péage. Et les bagarres avec mon frère sur la banquette arrière. Nos pieds pleins de sable mouillé. La pêche à la mie de pain dans la rivière derrière le camping et trois gamins rentrant bredouilles.

Lorsque tu nous as fait découvrir le Vietnam, pays de ton enfance, pays que tu as quitté dans la souffrance. Le gros cafard dans les cheveux, les énormes rats à la buvette du quartier, l'hôtel hanté de Huê, la plage déserte et les crevettes grillées, les farces dans les couloirs de la pension à Hanoi.

Lorsque nous nous levions à l'aube pour aller savourer des dim sum, dans les boui bouis sans nom, à Hong Kong. Le Star Ferry et les marchés de nuit. Les poux et le shampooing au vinaigre qui nous a fait pleurer pendant des heures.

Lorsque nous allions manger des crêpes dans le quartier Latin et faire coucou aux bateaux-mouches sur la Seine, les soirs d'été. Les falafels avalés sur le parvis de Notre-Dame. Les soirées au karaoké de Belleville et tes yeux remplis de fierté quand je m'égosillais sur du George Michael, du haut de mes 8 ans.

Lorsque tu m'expliquais que j'allais grandir un jour, qu'il me faudra trouver un homme qui m'aimera plus que je ne l'aime pour ne jamais souffrir, qu'il ne faut jamais JA-MAIS coucher le premier soir, ni le deuxième, ni le troisième. 

Lorsque tu nous faisais les gros yeux pour ne pas perdre la face, assorti d'un cinglant "On va en discuter plus tard, à la maison ...". C'est une technique dont toi seule détient le secret. Ça ne marche pas avec mes enfants.

Lorsque tu as boudé pendant deux bonnes semaines parce que nous n'avions pas choisi le prénom que tu voulais pour Nathan (bouh, c'est pas beau !). Ne boude pas s'il ne devient pas chirurgien ou astronaute. Il fera bien ce qu'il voudra, va.

Lorsque tu me prédisais une petite fille aux longs cheveux noirs parce que tu en avais rêvé plusieurs fois. Loupé ! Clémence a les cheveux clairs et bouclés. Tes dons de devins ne sont pas au point, Madame Irma ... Tes conseils pour être sûre de concevoir une Chouquette : boire de l'eau d'Evian et manger beaucoup de yaourts, dormir du côté gauche du lit. 

Lorsque t'as voulu me donner un nouveau look pour une nouvelle vie. Tes copines chinoises avec leur salon de coiffure installé dans leur cuisine. TES erreurs capillaires sur MA tête. La permanente ratée et les copains du collège qui m'ont appelée "Mouton bêêê" pendant un an. La honte sur la photo de classe.

Lorsque tu nous ordonnais de parler vietnamien pour ne pas oublier d'où l'on vient. Tu ne répondais jamais quand on switchait en français. Les dimanches avec tes copines à bigoudis, à chanter au karaoké en viet ou devant la énième cassette vidéo de Paris by Night : c'est un crime contre l'humanité de la culture G (pour ceux qui ne connaissent pas = Youtube. C'est cadeau, ne me remercie pas).

Nous avons encore tant à vivre, tant de souvenirs à fabriquer, tant d'amour à partager.

Ensemble.

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Un dernier mot, Jean-Pierre ?

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